La structure d’une entreprise auto-gérée en holacratie (2/4)

Après avoir expliqué dans un premier article ce qu’est une organisation auto-gérée, intéressons-nous maintenant à l’application concrète en regardant de plus près l’un des cadres d’auto-gestion les plus connus : l’holacratie.

L’holacratie est une forme de management constitutionnel qui séduit de plus en plus d’entreprises dans le monde pour l’autonomie et la flexibilité organisationnelle qu’elle apporte. Nous pensons que la tendance se poursuivra dans les années à venir.

Penchons-nous plus en détails sur cette technologie sociale au service des organisations.



La Constitution : les règles du jeu

Une entreprise qui fonctionne en holacratie supprime la hiérarchie traditionnelle mais nous n’insisterons jamais assez sur ce point : absence de hiérarchie n’est pas synonyme d’absence de structure, bien au contraire.

Chaque organisation qui choisit de fonctionner en holacratie doit suivre des règles de fonctionnement claires, indiquées dans la Constitution de l’holacratie.

Les règles sont les mêmes pour toute entreprise qui fonctionne selon ce modèle. Les dirigeants de l’organisation doivent signer la Constitution le jour où ils choisissent d’implanter l’auto-gestion. C’est un geste symbolique très fort : ils s’engagent à remettre leur autorité entre les mains du processus.



Rôles, raison d’être et redevabilités

En holacratie, il n’y a plus de titres ni de descriptions de poste. L’organisation est découpée en rôles :

  • Le rôle est l’unité de base de l’holacratie

  • Il peut y avoir autant de rôles que nécessaire : le nombre de rôles dans l’organisation n’est pas proportionnelle au nombre d’employés

  • Un individu peut remplir un ou plusieurs rôles

  • Un même rôle peut être incarné par plusieurs individus



Chaque rôle possède une raison d’être, claire et inspirante, et a des redevabilités associées. À ce sujet, il est intéressant de noter que :

  • Aucun rôle ne peut exister sans raison d’être

  • La raison d’être d’un rôle s’inscrit dans la lignée de celle de l’organisation

  • Les redevabilités d’un rôle représentent ce que les autres rôles attendent minimalement de ce rôle

  • Par défaut, chaque individu a toute la liberté de faire ce qui lui semble utile à la raison d’être de son rôle, tant que les redevabilités rattachées à son rôle sont remplies

  • Dans un rôle donné, chacun sait où termine sa zone de liberté, et où commence celle d’autrui

  • En cas de débordement, le processus est là pour clarifier ou ajuster ce qui doit l’être



Pour vous donner un exemple concret de cette notion de rôle, je vais parler de ma propre expérience. J’ai eu la chance de travailler en holacratie pendant près de 3 ans, et j’ai incarné jusqu’à 23 rôles différents en même temps dans la même organisation. À l’évidence, tous mes rôles n’étaient pas égaux en charge de travail : mon rôle Coach holacratie m’occupait quelques heures par mois, quand celui de Communicateur interne m’occupait un jour par semaine. Pour chacun de mes 23 rôles, je savais précisément ce qui était attendu de moi, et quel était mon cadre de jeu. Pour tout le reste, j’avais carte blanche sur la façon dont je donnais vie à la raison d’être de ces 23 rôles.

Cercles

Les rôles de l’organisation qui ont besoin de travailler ensemble fréquemment sont regroupés dans un même cercle. En holacratie, un cercle fonctionne exactement comme un rôle : il possède une raison d’être et des redevabilités. Les rôles d’un même cercle travaillent ensemble à la réalisation de la raison d’être du cercle. L’ensemble des cercles sont regroupés sous le grand cercle de l’organisation.

Puisqu’un cercle est un rôle, chaque cercle est incarné par une personne, qu’on appelle le Premier Lien du cercle. Cette personne détient la raison d’être du cercle, et doit veiller à créer la capacité nécessaire au sein du cercle pour que les redevabilités du cercle soient remplies.



Stratégie et priorisation

On pense parfois à tort que cette nouvelle forme de gestion implique la perte de vision stratégique portée généralement par les leaders haut placés dans l’organigramme. Mais ce point est bel et bien adressé en holacratie :

Le Premier Lien de chaque cercle se doit de définir et partager les stratégies et priorités pour son cercle. Les rôles du cercle s’organisent ensuite de façon autonome pour suivre ces stratégies et priorités.

Le Premier Lien a également le devoir de donner du feedback aux différents rôles du cercle.

Si les priorités et stratégies du cercle ne sont pas prises en compte par les rôles du cercle, le Premier Lien dispose alors de plusieurs leviers pour ajuster le tir, toujours dans le respect de la Constitution.

Les rôles d’un même cercle se réunissent fréquemment pour des réunions opérationnelles et des réunions de gouvernance. Nous aborderons la dynamique de ces réunions dans les prochains articles.



Modélisation

La force de l’holacratie réside aussi dans les outils informatiques qui la supportent et permettent de modéliser cette structure si particulière sous forme de rôles et cercles.

Le logiciel holaspirit notamment permet de donner vie à la structure d’une organisation auto-gérée en capturant toute l’information des rôles, responsabilités, et raisons d’être.

Un nouvel employé qui rejoint l’organisation peut donc, dès son premier jour de travail, avoir un portrait très précis de qui s’occupe de quoi dans l’organisation.

Au-delà de la modélisation de la structure organisationnelle, ce genre de logiciel est un outil de travail à part entière, notamment lors des réunions.

Image provenant de Holaspirit

Finalement, il apparait que :

  • les organisations auto-gérées sont tout aussi, sinon plus structurées que les entreprises utilisant un modèle de gestion classique — rien n’est laissé au hasard pour garantir à chacun l’espace nécessaire à l’expression de son plein potentiel

  • le leadership ainsi que l’expression claire de la stratégie et des priorités sont des éléments essentiels au bon fonctionnement de l’auto-gestion

    RDV la semaine prochaine pour un article qui creusera la question de la dynamique des réunions de gouvernance d’une organisation auto-gérée en holacratie.


À propos de IDEHŌ

Basée à Montréal, IDEHŌ se donne pour mission de créer des entreprises libérées, innovantes et humaines. IDEHŌ offre du conseil en management et transformation organisationnelle. www.ideho.ca

Autheur : Anne Chabert

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